Pour déconstruire la dépendance au béton et lutter contre l’artificialisation des sols
Nous nous opposons à l’artificialisation des terres, à la destruction des forêts et à la pollution des eaux orchestrées par l’industrie du béton. En un siècle, le béton armé a remplacé la majorité des matériaux de construction et s’est distingué par son efficacité redoutable, uniformisante, et par sa rentabilité. Mais le béton n’est fait pour durer qu’une soixantaine d’années, à l’inverse de matériaux comme la pierre qui durent des milliers d’années. Le béton se distingue avant tout par son obsolescence programmée. En Suisse, le béton armé constitue 80 % des matériaux utilisés. Le sable nécessaire à la fabrication du béton est la deuxième ressource la plus exploitée au monde, après l’eau. Et ne vient pas sans son lot de ravages, propre à toute industrie extractiviste. Fabriquer un mètre cube de béton produit autant de CO2 que de brûler 250 litres de pétrole, ce qui fait d’Holcim l’industrie la plus polluante de Suisse. Finalement, l’économie entière est dépendante du béton. Un marché qui est essentiellement maîtrisé en Suisse romande par Holcim et Orllati.
Nous connaissons les rouages de ces deux grandes entreprises : Holcim a été attaquée en justice par une plainte d’habitant·es de l’île Pulau Pari en Indonésie, pour complicité dans le ravage climatique. La multinationale serait responsable d’au moins 122 cas de pollutions environnementales et de violations des droits humains, dans 34 pays différents, d’après un rapport paru en 2020. Le groupe Lafarge, depuis racheté par Holcim, a été reconnu coupable de financement du groupe terroriste de Daesh en Syrie. Mais tout va bien pour Holcim, qui en 2022 a vu ses profits bondir comme jamais.
Quant à Orllati, ses activités touchent à la fois à l’immobilier et à la spéculation, à la démolition de bâtiments, aux gravières, à la construction et à la vente de vide pour stocker les déchets de chantier. Orllati contrôle ainsi toute la chaîne, et se fait des marges financières à chaque étape, tout en visant à éliminer la concurrence. Ceci met au grand jour les liens entre la démolition et la spéculation sur les logements vides, et entre la production et le business du vide. Bref, la dépendance capitaliste au béton : un matériau très rentable, mais programmé pour détruire.
Le marché de la construction et de l’immobilier laisse de nombreuses habitations vides à des fins de spéculation, alors que de plus en plus de personnes n’arrivent plus à se loger. En parallèle, on produit de nouveaux immeubles et des infrastructures en béton, sur des sols auparavant fertiles. Une immense partie des bâtiments construits ces 80 dernières années sont de mauvaise qualité, transformant des lieux de vie et de travail en passoires thermiques, et les entrepreneurs préfèrent les démolir plutôt que de les rénover et de changer de pratiques.
Les déchets engendrés par la démolition sont intégrés au business des entreprises, car ils servent à combler gravières et carrières une fois qu’elles ne sont plus à exploiter, verdissant artificiellement leur image au passage. Ce cercle vicieux constitue un intérêt juteux pour ceux qui en profitent : sur le marché romand, un m3 de vide coûte entre 15 et 30 francs, ce qui rapporte gros aux cimentiers qui ont creusé et qui peuvent ensuite vendre le vide. Les cadres et les actionnaires d’Orllati et Holcim s’enrichissent donc à plusieurs reprises, sur le dos des paysan·nes, des locataire·s, et des usager·es. De plus, ils jouent au Monopoly avec les terres cultivables et les forêts de nos régions et en fixent les prix.
C’est le même système qui nous prive – avec ses loyers abusifs – des moyens de bien rémunérer celles et ceux qui nous nourrissent, et qui s’accapare les terres agricoles, pour produire du béton. Nous nous opposons à l’accaparement de terres fertiles et de forêts par quelques grands groupes cimentiers. Nous aspirons à une réflexion démocratique sur un autre usage des ressources, sur d’autres possibilités d’habiter et de construire, plutôt que d’engraisser les actionnaires et les cadres d’Orllati et Holcim. Parce que nous voulons des espaces vivants et des terres cultivables, nous allons nous opposer aux maîtres de la spéculation et de l’excavation. Nous allons mettre du sable dans les rouages du marché privé et sans limites du béton, dirigé par une poignée de grandes entreprises, avec la complicité de l’État. Nous voulons des terres agricoles pour subvenir à nos besoins et à ceux des générations à venir, et non pas que les espaces cultivables fassent le beurre de la spéculation immobilière et foncière.
La justice sociale et la justice écologique forment pour nous deux raisons de lutter contre l’arme de destruction massive que constitue l’industrie du béton.
Pour aller plus loin :